JEAN-MARIE HURET

1924 - 2004
 Accueil  Livre d'Or  lire - écrire Email Liens

L'expression « prêtre-ouvrier »

Le début ? En mai 1943 dans Cité nouvelle, Antoine Lestra - un écrivain par ailleurs fort traditionnel - utilise le mot « Un prêtre-ouvrier.
Le P. Boisard, fondateur des ateliers d'apprentissage ». La revue est alors publiée à Lyon, par des jésuites, comme une sorte de substitution aux publications arrêtées à la suite de l'Occupation, Études, et la Revue de l'Action populaire. Les « Ateliers de l'abbé Boisard » existent toujours, renouvelés. Ils sont nés au début du xxe siècle, comme une sorte d'entreprise d'insertion à l'intention de jeunes, Boisard participant lui-même à la vie de l'entreprise. Antoine Lestra développera son article dans un livre de 1949 (Paris et Lyon, Éd. Lardanchet), portant à nouveau le mot dans son titre Le Père Boisard, prêtre-ouvrier, mais alors l'auteur écrit : « Aujourd'hui de nombreux prêtres dévorés de zèle se font ouvriers pour mieux adapter leur apostolat de conquête au milieu des travailleurs manuels » (p. 294). Émile Poulat, dans l'introduction au Journal d'un prêtre d'après-demain de l'abbé Calippe (Tournai et Paris, Éd. Casterman, 1961, p. 139-140) cite le livre, et non l'article plus ancien ; mais il indique (note 105 p. 140) que Lestra lui aurait confirmé que Boisard utilisait l'expression dès 1901. Ce qui ferait penser que ce n'est pas Lestra qui a créé l'expression, mais en l'utilisant dans le titre d'un article, et cela dans une revue relativement bien connue parmi les prêtres et militants, il a pu contribuer à la mettre en circulation. Il pourrait en tout cas avoir préparé la voie à la revue Études qui publia dans les trois premiers numéros de 1945, la première version (il y aura ensuite un livre) du Journal d'un prêtre-ouvrier en Allemagne de Henri Perrin, alors jésuite [1].


[1] Voir É. Poulat, Naissance des prêtres-ouvriers, première édition, 1965, p. 15-17 dans la Bibliographie, et texte, p. 334 s.

source: http://www.esprit-et-vie.com


Prêtre-ouvrier insoumis


Historique


En 1942, la France est occupée. A l'intérieur de l'Eglise se développe une prise de conscience de la déchristianisation de la population ouvrière des villes industrielles alors que la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) poursuit clandestinement son activité. Deux aumôniers jocistes de la région parisienne, Henri Godin et Yvan Daniel, écrivent France, pays de mission?. Le point d'interrogation ajouté pour ménager la hiérarchie catholique est remplacé dès le deuxième tirage par un point d'affirmation. Ce livre est le constat d'échec de la JOC pour faire tomber le mur qui sépare la classe ouvrière de l'Eglise. Il préconise pour pallier l'absence de l'idée chrétienne dans le monde ouvrier que le prêtre français engage dans son pays une action qui serait véritablement missionnaire en épousant la condition ouvrière. C'est alors que les évêques décident la création d'un séminaire où seront formés des prêtres préparés à vivre en équipe dans des secteurs déchristianisés. C'est la Mission de France.

La Mission de France est un corps sacerdotal régulier "destiné non seulement à apporter l'appui d'un renfort numérique aux diocèses les plus dépourvus, mais à accomplir la mission apostolique du sacerdoce dans les secteurs les plus déchristianisés, tant géographiques que sociologiques par un clergé missionnaire spécialement préparé aux problèmes du monde contemporain". Le chanoine Augros, sulpicien, ancien supérieur du séminaire d'Autun organise à Lisieux le séminaire de la Mission de France. Les prêtres qui y sont formés partent dans les diocèses où les évêques sont demandeurs. Bouleversé par la lecture de France, terre de mission, le cardinal Suhard procède à la création d'une équipe qui partira en mission dans la classe ouvrière parisienne. C'est la Mission de Paris fondée le 1er juillet 1943. L'abbé Hollande, ancien curé de Polangis en est nommé supérieur. Cette mission est placée sous l'autorité directe de l'archevêque de Paris et compte à sa naissance 7 membres (25 en 1953). L'équipe de la Mission de Paris plus importante et plus diversifiée, devient un peu le centre de référence des provinciaux. De 1944 à 1946, des équipes se constituent à Lyon, au Havre, à Marseille, à Limoges, à Saint-Etienne, à Bordeaux ainsi que celle dite des Barrages dans les Alpes.

Les prêtres ouvriers découvrent la vie ouvrière, les grèves en particulier celles de 1947, le compagnonnage avec les militants de FO, de la CGT et du PC, les manifestations comme celle organisée à Paris le 28 mai 1952 par le mouvement de la Paix où deux prêtres ouvriers sont victimes de violences de la part des forces de l'ordre. En 1947, ils sont une quarantaine et quelques années plus tard en 1954 une centaine.

Le séminaire de la Mission de France est transféré en 1952 de Lisieux à Limoges et il est fermé en septembre 1953. En effet, le 23 septembre 1953, Mgr Marella, nonce, informe le cardinal Liénart de la décision du Vatican d'arrêter l'expérience des prêtres ouvriers. "Ils sont un scandale pour les chrétiens et ils font courir un grave péril à l'Eglise". Il est donc ordonné aux prêtres ouvriers de quitter le travail et tout engagement syndical et de reprendre la forme traditionnelle du sacerdoce.

Une cinquantaine choisissent de ne pas obtempérer. Ce sont les insoumis. Certains de ces insoumis se regroupent autour de Bob Lathuraz et prennent l'habitude de correspondre et de se réunir plusieurs fois par an. Ce groupe a vécu dans l'ombre, mettant en commun leurs réflexions sur les événements de la vie ouvrière et les engagements qu'ils y vivaient, sur leur état de tension avec l'institution Eglise qui les avait condamnés et sur leur vie spirituelle gardant sa source d'inspiration dans l'Evangile.

A la mort de Bob Lathuraz en 1993, ce groupe réunissait encore Aldo Bardini domicilié à Bagnolet (93), Bernard Chauveau domicilié à Saint-Valérien (89), Maurice Combe domicilié à Saint-Etienne (42), Jean Cottin domicilié à Pommerit-le-Vicomte (22), Jean Gray domicilié à Auxerre (89), Jean-Marie Huret domicilié à Valmont (76) et Jean Olhagaray domicilié à Hasparren (64). Ce dernier a appartenu à la Mission de Paris et entreprend actuellement un travail pour retrouver les anciens de la Mission de Paris et recueillir leurs témoignages.

Le concile Vatican II, en 1965, autorise de nouveau l'expérience des prêtres ouvriers qui sont en 1993 près de 600 dont la moitié à la retraite. Mais il est recommandé alors aux nouveaux prêtres ouvriers de demeurer hors du sillage des insoumis dont l'histoire est occultée jusqu'en 1990. Ils sont, à cette date, enfin invités à participer à une réunion nationale des prêtres ouvriers.

source: http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr


Bibliographie

Huret (Jean-Marie)
Prêtre-ouvrier insoumis.- Editions du Cerf, 1993

Leprieur (François)
Quand Rome condamne.- Editions du Cerf, collection "Terre humaine", 1989

Debès (Joseph)
Naissance de l'action catholique ouvrière.- Editions ouvrières, collection "Mémoires du futur", 1982

Vinatier (Jean)
Les prêtres-ouvriers, le cardinal Liénart et Rome. Histoire d'une crise, 1944-1967.- Editions ouvrières, 1985

Rollet (Henri)
Le travail, les ouvriers et l'Eglise.- Fayard, collection "Que sais-je ?"n 103, 1959

Siefer (Grégor)
La mission des prêtres-ouvriers. Les faits et les conséquences.- Edition de l'Epi, 1963

Pierrard (Pierre)
L'Eglise et les ouvriers en France (1940-1990).- Hachette,1991

Declercq (Maurice)
Au service de l'apostolat ouvrier, l'abbé Marcel Hardeman, 1907-1940.- Le Roux, 1953

Mayeur (J.M.)
Un prêtre démocrate : l'abbé Lemire (1853-1928).- Casterman,1968

Pierrard (Pierre)
L'Eglise et les ouvriers en France (1940-1990).- Hachette, 1991


source: http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr


1954 et les prêtres ouvriers:

1er mai 2004: message du MMTC
Mouvement Mondial des Travailleurs Chrétiens

C'est l'histoire d'un immense gâchis.
Une histoire triste mais palpitante racontée par ceux-là mêmes
qui se sont trouvés pris au milieu de la tourmente.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
une centaine de prêtres catholiques français décidèrent
de partir en mission pour évangéliser le monde ouvrier,
largement déchristianisé. Ils se firent pour cela prolétaires,
ils en épousèrent le mode de vie, les luttes et l'engagement syndical,
le plus sou- vent aux côtés des communistes.

Rome, sympathisante au départ, s'en effraya rapidement
alors que s'installait la guerre froide, et finit par condamner le mouvement.
C'était il y a tout juste cinquante ans. Avant le 1er mars 1954,
ces prêtres devaient avoir quitté l'usine ou l'atelier et rejoint les paroisses traditionnelles.
Pour ces hommes, totalement dévoués à leur mission, l'injonction de Rome fut déchirante...

Avec de nombreuses images d'archives,
ce documentaire retrace l'aventure de ces hommes exceptionnels,
en leur donnant très largement la parole.
Qu'ils aient obéi à l'Église ou qu'ils aient fait le choix de l'insoumission,
leurs témoignages sont particulièrement émouvants.

Au-delà du drame humain, on retiendra la beauté du message spirituel.
Laurent Grzybowski

source: http://catholique-arras.cef.fr


Déclaration de l'équipe nationale des prêtres-ouvriers,
pour le 1er mars 1954, Date anniversaire.

Le 1er mars 1954 Rome impose aux prêtres-ouvriers de quitter les usines et les chantiers.

Cette décision avait pour motivation affichée: «L'incompatibilité de la condition ouvrière avec l'état de vie du prêtre. » Elle brisa des hommes en les obligeant à faire un choix impossible entre deux fidélités: la fidélité à l'église et la fidélité à la classe ouvrière.

Elle fit scandale parmi les militants la classe ouvrière, les femmes et les hommes qui travaillaient avec eux, laïcs et prêtres engagés, luttant pour la dignité et la justice. Ce fût pour eux une trahison.

Il faudra attendre le concile Vatican Il et l'année 1965 pour que de nouveau des prêtres puissent retourner partager la condition ouvrière par le travail salarié.

Une centaine de premiers prêtres-ouvriers ont vécu ce drame. Quelques uns sont encore vivants. Ils sont notre histoire, nos racines à nous les prêtres-ouvriers d'aujourd'hui. Sans eux, sans leur souffrance, leur espérance, nous n'existerions pas.

En ce mois de mars 2004, nous voulons les remercier d'avoir ouvert la voie.

Aujourd'hui, cette histoire continue. Nous sommes plus de 500 en France et à l'étranger à vivre ce ministère de prêtres-ouvriers.

Le partage de la vie, par le travail salarié, par l'habitat dans les cités, est pour nous toujours d'actualité.

Il y a aussi les luttes quotidiennes dans les organisations syndicales, politiques et associatives.

La solidarité avec les précaires, les exclus, tous les laissés pour compte est une priorité.

Nous les prêtres-ouvriers d'aujourd'hui avec nos anciens voulons témoigner que l'homme, celui que la société rend insignifiant, a toute sa dignité.

Qu'il est aimé de Dieu, de Jésus Christ et cela contre tous les systèmes qui nous réduisent à n'être que des marchandises.

Nous voulons que ce "signe" prêtre-ouvrier d'une église au service de l'humanité continue.


« Quand la mémoire est morte, disait Péguy,
c'est l'espérance et l'avenir qui sont mutilés. »
(Citation d'André Depierre dans un courrier de février 2004)

Déclaration de l'équipe nationale des prêtres-ouvriers
adoptée le dimanche 22 février 2004 à Issy les Moulineaux à l'unanimité.


source: http://catholique-arras.cef.fr


1954-2004 - Cinquantième Anniversaire de la condamnation des prêtres ouvriers

Il y a cinquante ans, ces quelques hommes qu’on appela les prêtres ouvriers connurent une fin brutale de leur mission par le diktat (ultimatum) de Rome. Ils devaient, au premier mars 1954 avoir quitté usines ou chantiers où ils travaillaient, abandonner syndicat et responsabilités pour rejoindre l’une ou l’autre des structures ecclésiastiques paroisses, aumôneries, congrégations.
Il faut reprendre quelques événements de ce demi-siècle pour comprendre ce qui s’est passé.

Les évêques. français, dans leur majorité, ont apporté une caution plus ou moins active au gouvernement du maréchal Pétain, conformément à une tradition de soumission au pouvoir établi.

Un livre du Père Godin “La France pays de mission” qui pose des questions à l’Eglise paraît dans un contexte historique tourmenté, La guerre finie, après l’occupation, la captivité, la résistance, la France vit une libération comme un temps de reconstruction et d'initiatives dans tous les domaines.

— A la tête du diocèse de Paris-banlieue, le cardinal Suhard était un des plus éminents représentants de la hiérarchie catholique en . France. Tourmenté devant ses responsabilités pastorales et angoissé devant l'indifférence du peuple des banlieues, il se sent le devoir de faire quelque chose pour abattre le mur qui sépare ce peuple de l'Eglise. Sous son impulsion, se constitua un groupe de jeunes prêtres qui partageaient la même conviction. Il les réunit et, fait exceptionnel dans.1’Eglise, il 1es envoya sans esprit de retour dans le monde des travailleurs pour .y vivre une présence d’Eglise. Il leur concédait une liberté totale dégagée de toute obligation. Ils devaient seulement lui rendre compte:de leurs difficultés et découvertes, sachant bien que leur sacerdoce ne pourrait s'y exercer de façon traditionnelle. L’équipe de la Mission de Paris était fondée. Le cardinal venait souvent rue Ganneron où se réunissait cette équipe chaque semaine: il ne se privait pas de se faire l’écho des inquiétudes de Rome et de ses positions conservatrices.

Ce qui s’imposa très vite à ces hommes, ce fut la nécessité d'entrer au travail et d’acquérir une compétence professionnelle. Ils vécurent la vie ouvrière autrement qu’ en observateurs. Ils la retrouvaient dans les quartiers ou les hôtels meublés où ils s’installèrent. Cette présence qu'il voulait sincère et vraie les entraîna normalement dans les luttes que le prolétariat est contraint de mener. Ils adhérèrent à la CGT syndicat que la classe ouvrière s’est créé au fil de son histoire et acceptèrent les responsabilités qui leur y furent confiées.

C’est à partir de juillet 1949 qu’un premier décret du Saint Office met en garde les catholiques vis à vis du Parti Communiste. C’est déjà une condamnation de l'engagement dans la classe ouvrière. De juillet 1949 à novembre 1953, les manœuvres vaticanes relayées par une partie de l’épiscopat français soumis à l’autorité du pape Pie XII, ne cessent d’enrayer cette ouverture à un monde athée. A noter également

l'offensive coordonnée des patrons dits chrétiens, de la C.F.T.C et des milieux les plus conservateurs de l’Eglise. La découverte progressive de l’existence de la Mission de Paris et de ses engagements provoqua méfiance et scandale. Après la mort du cardinal Suhard et dès 1951-52, suspicions, menaces d’excommunication même, se manifestèrent de la part de la hiérarchie. En novembre 1953 est prévue la décision d’arrêter " l’expérience" des prêtres ouvriers suivant l’expression des non-engagés mais qui pour eux n’était pas une "expérience".

La méfiance de la hiérarchie se manifesta alors par une série d’interdictions et de mesures répressives : interdiction du périodique "La Quinzaine”, condamnation de “Jeunesse de l’Eglise”, démission contrainte du père Augros, supérieur du séminaire de la Mission de France de Lisieux et fermeture de celui ci, réduction au silence du père Teilhard de Chardin.

C’est ainsi que tomba en 1954 l’interdiction sans appel de Pie XII concernant les prêtres ouvriers. A une date précise, ceux-ci devaient avoir, quitté le , travail et l’engagement dans la classe ouvrière. Sur la petite centaine qu’ils étaient, un peu plus de la moitié décida de rester au travail. L’événement eut un certain écho dans l’actualité d’alors. Pour ceux-la qui en étaient les principales victimes, une vie nouvelle commença. Qu’ils soient organisés dans un groupe de résistance et de réflexion ou qu’ils se retrouvent avec leur solitude et leur conscience, tous vécurent pendant un an ou deux une véritable traversée du désert. Deux en perdirent la vie de désespoir.

— Mais ce rejet qu’ils avaient subi et non voulu renforçait leur lien avec la classe ouvrière. Bien vite, leur engagement les jeta au coude à coude avec leurs compagnons de travail, dans une participation active aux luttes nées des événements : conflits sociaux et politiques, guerres d’Indochine et d’Algérie.

— Apparaissent alors ces valeurs qui font l’étoffe et la grandeur de la classe ouvrière: solidarité dans la vie et le travail, une dignité souvent blessée mais toujours revendiquée et surtout l’appel à une justice, bafouée par ceux qui ont pouvoir et argent. Appel à une justice qui se veut un droit et non à une charité humiliante.

— A ces hommes prêtres soucieux d’être attentifs à l’Evangile plutôt que d’exercer une fonction traditionnelle sacralisée, il apparut que la vie ouvrière était traversée parles valeurs évangéliques révélatrices de valeurs humaines. Ce message que les prêtres ouvriers pensaient apporter; il leur était ainsi retourné, vivant, et d’une vie humaine ~. mais. non sclérosé dans une doctrine dogmatique et une morale. Nous avons vécu cet aller et retour de la pensée à la vie et de la vie à la pensée comme une unité retrouvée, une unité brisée par tous ceux à qui elle faisait peur.

C’est à la lumière de cet évangile vécu que nous avons relu le texte écrit de cet évangile; il nous est alors apparu éclatant, dans une vérité aussi forte que simple et régénérée.

— Les années ont passé. Des prêtres ouvriers d’alors, une large majorité est disparue. Nous n’osons pas nous dire les porte-parole de ceux là. Le rôle de ceux qui restent est de tenir éveillé leur souvenir et de tenter d’exprimer la signification de leur choix et de celui de tous.

En guise de conclusion, à la lumière de notre vécu situé dans l’histoire du 20ème siècle héritier du 19ème, une constatation s’impose à nous : l’incapacité pour l’Eglise institutionnelle d’accepter les autres cultures et la volonté de l’homme de s'inscrire libre et responsable, dans la construction du monde. Après avoir éliminé tout ressentiment, nous pouvons dire que ces années nous ont apporté la paix.

le 15 janvier 2004
Adresse : Jo Pichon 0éme Anniversaire, 23 rue des docteurs Charcot, 42100 St ETIENNE Aida Bardini , Maurice Combe , Jean Dessailly , Jean Marie Huret , Jean Marie Marzio , Jean Olhagaray

source: http://perso.wanadoo.fr/chretiens.daujourdhui


DECLARATION DE L’EQUIPE NATIONALE DES PRETRES OUVRIERS

Le monde change, les inégalités s ‘accentuent.
Vivant au jour le jour sur nos lieux de travail et dans nos quartiers, nous observons que les conditions de vie d’un grand nombre de gens se détériorent.

Nous rencontrons des hommes et des femmes qui vivent la précarité, le chômage, le stress journalier. Financièrement la vie est de plus en plus difficile: les salaires ont du mal à suivre le coût de la vie ; la durée d’indemnisation du chômage a été revue à la baisse

Des usines ferment et licencient le personnel; la production est transférée dans des pays ou la main-d'œuvre est bon marché et sans défense.

La notion de service public est remise en cause au nom de la concurrence et de la rentabilité. Participant activement à la vie associative, nous sommes confrontés à la baisse des subventions. Là encore ce sont les personnes en grandes difficultés qui sont les principales victimes.

Des étrangers, obligés de fuir leur pays pour des raisons politiques ou économiques, arrivent en France, espérant trouver des conditions de vie meilleures. Ils sont laissés dans la misère et sans papier sous la menace permanente d’être expulsés

D’un coté l’impôt sur la fortune est diminué ainsi que l’impôt sur le revenu, et d’un autre les taxes et les prélèvements ont augmenté pour tous.

Des reformes en trompe l’œil.
Le gouvernement en accord avec le MEDEF propose de grandes réformes. Pour mieux les faire passer dans l’opinion, il met en avant la solidarité.

C’est ainsi que prenant appui sur l’allongement de la durée de vie et l’augmentation plus rapide du nombre des retraités par rapport aux actifs, il passe la durée de cotisation de 40 ans à 42 ans en 2008. D’autres mesures moins spectaculaires sont prises pour diminuer les pensions de retraite.

Un jour férié (lundi de Pentecôte) est supprimé pour financer les personnes âgées en grande dépendance.

Alors que le nombre de chômeurs s’accroît de manière importante, une campagne de remise en cause des 35h est organisée par le MEDEF et le gouvernement.

Tandis que la part de la richesse nationale versée au capital ne cesse d’augmenter, diminuant par là même. celle versée au travail, les salariés sont poussés à faire des heures supplémentaires et à capitaliser pour améliorer leur revenu.

D’autres réformes sont prévues dans les mois qui viennent ; la "sécurité sociale", régime maladie, est dans le collimateur et déjà de nombreux médicaments ne sont plus remboursés; le forfait hospitalier est augmenté. Là encore ce sont les plus faibles qui vont être pénalisés. Une société à deux vitesses se met en place : les riches s’enrichissent et les pauvres sont laissés de coté.

Tout ceci n‘est pas du à la fatalité.
Nous assistons à une volonté politique de mettre en place une société libérale, dont les moteurs sont la loi du marché et la réussite individuelle. La solidarité et la justice ne sont plus que des paravents pour masquer la réalité.

Un peuple en lutte.
Au printemps des manifestations, comme on en a peu vu depuis 1968, ont mobilisé des foules, pour la défense des régimes de retraite, et pour que l’éducation nationale ait les moyens nécessaires pour assumer sa tache dans les meilleures conditions. Beaucoup d’entre nous ont pris une part active dans ces mouvements.

Mais devant la complexité des problèmes, les organisations syndicales ont des analyses différentes : les divisions syndicales sont toujours mal vécues par les travailleurs.

Mais des signes d’espérance apparaissent : des pays pauvres commencent à s’organiser; la mise en
échec des propositions des pays riches lors de la réunion de l’OMC; les forums sociaux (mondial ou européen) au travers de nombreux débats, font émerger l’idée qu’un autre monde est possible

Comme citoyen nous dénonçons l’accélération de la mise en place d’une société ultra-libérale dont le seul objectif est le profit maximum pour le pouvoir financier.

Nous affirmons qu’une autre société est possible où l’homme sera au centre. Une société où personne ne sera exclu, où chacun aura un travail, un logement, une protection sociale digne de ce nom.

Chrétiens, la lutte pour la justice fait partie de notre foi.
Dieu a créé l’homme et lui a donné la responsabilité d’aménager la terre pour que chaque être humain puisse y vivre dignement, en paix, dans la liberté, et à l’abri du besoin. Cette terre appartient à tous, et tous doivent pouvoir s’y épanouir.

Jésus, le Fils de Dieu, s’est fait l’un d’entre nous. Il a vécu, à son époque, en dénonçant les abus de pouvoir et les injustices. Il a pris en considération ceux qui étaient exclus pour les réinsérer dans la société. Il a toujours eu une affection particulière pour les plus pauvres. Il a été mis à mort parce qu’il gênait les riches et les puissants.

Comme Prêtres ouvriers, avec d’autres chrétiens présents et actifs dans différentes organisations, c’est en disciple de Jésus Christ qu’aujourd’hui nous dénonçons les injustices. Nous voulons à son exemple lutter pour que chacun puisse vivre dignement, et avoir sa place au milieu des autres.

Pour cela nous voulons que tout homme prenne conscience qu’il n’est pas seulement un consommateur, mais un acteur indispensable et capable d’agir pour le bien de tous. C’est tous ensemble, dans nos organisations, que nous pourrons promouvoir un monde où règnera la paix, la justice, l’amour.

Le 7 décembre 2003

L’équipe nationale des Prêtres Ouvriers.

source: http://perso.wanadoo.fr/chretiens.daujourdhui


Les prêtres-ouvriers se souviennent

Trois déclarations honorent chacune à sa manière le travail des prêtres-ouvriers et de tous ceux qui assurent une présence missionnaire auprès des pauvres et des petits

50 ans après, l’Église de France se souvient… Elle se souvient de ce 1er mars 1954, où une décision romaine mettait fin, du moins provisoirement, à l’existence des prêtres-ouvriers. Une aventure commencée au lendemain de la deuxième guerre mondiale se voyait ainsi stopper dans son élan et dans sa dynamique. Cet anniversaire a été l’occasion de trois déclarations significatives.

- Dans une déclaration du 26 février 2004, sobrement intitulé «A l’occasion d’un anniversaire», Mgr Jean-Louis Papin, évêque de Nancy, et Mgr Jacques David, évêque d’Evreux, au nom du Comité épiscopal pour la mission en monde ouvrier, reviennent longuement sur l’histoire des prêtres-ouvriers, et élargissent leur réflexion à la nécessaire présence de l’Église dans les quartiers, les cités et les banlieues.

«Ce 1er mars 1954 restera une date douloureuse dans l’histoire des relations entre l’Église et les travailleurs, y compris pour ceux qui n’ont pas été les témoins directs de cet événement qui en ont entendu parler, reconnaît la déclaration. Une telle décision a laissé de graves blessures dans la vie des personnes concernées et a porté un rude coup à l’annonce de l’Évangile en monde ouvrier, renforçant dans l’opinion publique l’image d’une Église davantage liée aux puissants et aux riches qu’à ceux qui sont en bas de l’échelle sociale.»

Les raisons de la décision romaine furent multiples. Le Comité épiscopal ne les évoque pas toutes, mais relève un point essentiel, qui peut servir de leçon. «L’aventure des prêtres-ouvriers n’était pas portée par tous, analyse le document. Or des efforts apostoliques aussi vitaux ne peuvent tenir que s’ils sont voulus et soutenus par l’ensemble des partenaires de la mission en monde ouvrier et, plus largement, par les Églises diocésaines…» «Aujourd’hui, poursuivent les évêques, nous mesurons la fécondité des efforts alors engagés et des vies données pour l’annonce de l’Évangile… Mais il reste bien du chemin à faire pour que l’Évangile soit reçu comme Bonne Nouvelle par ceux qui en sont les premiers destinataires selon l’évangéliste Luc (4, 16-21)»

Puis s’adressant à tous les partenaires de la mission ouvrière (membres des mouvements apostoliques et aumôniers, prêtres-ouvriers, prêtres en paroisses populaires, diacres et religieux, religieuses, laïcs consacrés, laïcs animateurs pastoraux), les évêques les invitent à tenir bon dans l’espérance. «Nos efforts d’organisation et de restructurations accaparent parfois nos préoccupations et nos énergies, reconnaissent-ils. Comment garder au cœur la perspective de la mission ?»

L’Église et le monde ont changé en cinquante ans. «Mais, conclut le comité épiscopal, même si les prêtres-ouvriers sont moins nombreux, même si les prêtres qui s’engagent dans cette perspective sont plus rares et le font différemment de leurs aînés, cette manière de vivre le ministère presbytéral garde toujours sa pertinence au regard de la mission.»

- Auparavant déjà, dans une déclaration, datée du 15 janvier 2004, quelques anciens prêtres-ouvriers (Maurice Combe, Jean Desailly, Jean-Marie Huret, Jean-Marie Marzio, Jean Olhagaray…) qui, en leur âme et conscience, décidèrent en 1954 de ne pas «se soumettre» à Rome et de rester au travail, revenaient sur cet événement. Pour eux et pour tous ceux qui firent le même choix qu’eux, une vie nouvelle commença. «Qu’ils soient organisés dans un groupe de résistance et de réflexion ou qu’ils se retrouvent avec leur solitude et leur conscience, rappellent-ils, tous vécurent pendant un an ou deux une véritable traversée du désert. Deux en perdirent la vie de désespoir…

Mais ce rejet qu’ils avaient subi et non voulu renforçait leur lien avec la classe ouvrière… À ces hommes prêtres soucieux d’être attentifs à l’Évangile plutôt que d’exercer une fonction traditionnelle sacralisée, il apparut que la vie ouvrière était traversée par les valeurs évangéliques révélatrices de valeurs humaines… Nous avons vécu cet aller et retour de la pensée à la vie et de la vie à la pensée comme une unité retrouvée, une unité brisée par tous ceux à qui elle faisait peur. […] Les années ont passé. Des prêtres-ouvriers d’alors, une large majorité est disparue. Nous n’osons pas nous dire les porte-parole de ceux-là. Le rôle de ceux qui restent est de tenir éveillé leur souvenir et de tenter d’exprimer la signification de leur choix et de celui de tous. […] Après avoir éliminé tout ressentiment, concluent-ils, nous pouvons dire que ces années nous ont apporté la paix.»

- Une dernière déclaration enfin, adoptée à l’unanimité le 22 février dernier par l’équipe nationale des prêtres-ouvriers, évoque avec émotion et reconnaissance tous ceux qui, en 1954, furent contraints à un choix impossible entre deux fidélités, la fidélité à l’Église et la fidélité à la classe ouvrière. «Ils sont notre histoire, nos racines à nous les prêtres-ouvriers d’aujourd’hui, poursuivent les signataires. Sans eux, sans leur souffrance, leur espérance, nous n’existerions pas. En ce mois de mars 2004, nous voulons les remercier d’avoir ouvert la voie…

Nous, les prêtres-ouvriers d’aujourd’hui avec nos anciens voulons témoigner que l’homme, celui que la société rend insignifiant, a toute sa dignité. Qu’il est aimé de Dieu, de Jésus Christ, et cela contre tous les systèmes qui nous réduisent à n’être que des marchandises. Nous voulons que ce «signe» prêtre-ouvrier d’une Église au service de l’humanité continue.»

Bernard JOUANNO - 02-03-2004
source:
http://www2.la-croix.com


[haut de page]

Webset  by © KissDesign Website
karl landrieu 2005